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Qu'est-ce qu'une estampe ?


- Découvrir l'estampe
- I - Les techniques de l'estampe
- La taille d’épargne (gravure sur bois)
- La taille-douce (gravure sur métal)
- La lithographie
- La sérigraphie
- Les techniques rares
- II - Le papier
- A - Les types de papiers pour l’estampe
- Bref historique du papier
- Les dimensions du papier
- Le grammage du papier
- Les filigranes du papier
- B - Qu'est-ce qu'une estampe originale ?
- Le Tirage
- La Signature
- Historique de l’estampe

Découvrir l'estampe

Estampe est un terme générique désignant une image réalisée à l’aide d'une planche (bois, métal, pierre…) préalablement gravée et encrée, obtenue sur papier à l’aide d’une presse. L’impression d’une estampe peut être réalisée à plusieurs exemplaires nommés « épreuves ». Parmi les techniques de l’estampe les plus populaires, on peut citer la lithographie, qui a fait florès durant l'École de Paris, la sérigraphie, qui perdure jusqu’à aujourd’hui dans le street-art, et la gravure, comme la gravure sur métal de Rembrandt ou la gravure japonaise sur bois d’Hokusai.


Joan Miro, Une femme, Lithographie de 1958JonOne, Chrome, Sérigraphie de 2014

Une lithographie de Serge Poliakoff et une sérigraphie de JonOne, qui comptent parmi les techniques de l’estampe les plus populaires.

Il est convenu d’appeler « estampe originale » une estampe conçue, et exécutée sur la planche par un seul et même artiste. Néanmoins nombre d’estampes de qualité ont été exécutées par des artistes d’après d’autres peintres ou dessinateurs, ce sont les « estampes d’interprétation »

La signature manuscrite de l’artiste et la justification de tirage, dans la marge inférieure apparaissent à la fin du XIXe siècle et deviennent un standard pour identifier le tirage.

Les épreuves d’un même tirage ne sont pas parfaitement identiques, du fait de l’intervention manuelle (encrage, pression). Indépendamment de ces épreuves définitives il existe des épreuves témoignant des différents stades de l’élaboration de la planche, qu'on appelle les "états". L’artiste effectue parfois des tirages de quelques épreuves au cours de son travail, avant de retravailler la planche afin d’obtenir le résultat définitif.


I - Les techniques de l'estampe

Les différentes techniques aboutissant au tirage de l’estampe peuvent être groupées selon que l’on considère le matériau (bois, métal, pierre…) ou le mode d’élaboration (manuel ou chimique) mais la classification la plus classique repose sur le type de matrice. Les encres utilisées pour l'impression d'estampes varient en composition selon les techniques d'impression. Pour la taille-douce et la lithographie on emploie des encres à base légèrement grasse afin de satisfaire la tendance d'amour du cuivre ou de la partie dessinée de la pierre. En sérigraphie, on emploie surtout des encres dites couvrantes et opaques qui permettent des aplats de couleurs denses.


La taille d’épargne (gravure sur bois)

La gravure sur bois est un procédé très simple en apparence, mais qui peut revêtir une extrême complexité dans certaines pratiques comme l’estampe japonaise. L’artiste va graver une plaque de bois ou de lino avec une gouge, une pointe ou un couteau pour enlever de la matière. La plaque est ensuite encrée, et seules les zones qui ont été épargnées seront visibles sur le papier. C’est pour cela qu’on parle de “taille d’épargne”. C’est le même principe que les tampons encreurs, ou les tampons en pomme de terre de notre enfance ! Là où ça se corse, c’est quand on souhaite une grande finesse du dessin, qui va demander une virtuosité de la part de l’artiste, car le bois est un matériau résistant. De plus, si l’on souhaite imprimer plusieurs couleurs, il faudra graver une plaque par couleur. Puis, chaque plaque sera imprimée sur la feuille afin que les couleurs se superposent. Ce travail est très minutieux et un petit millimètre d’écart fausserait le rendu final.
Voyons à présent les deux matrices principales : le bois et le lino.

1 – Xylographie (bois gravé)

Si le procédé est connu en Chine depuis le VIIe siècle, son apparition en Europe se situe à la fin du XIVe siècle. La plaque de bois est découpée dans le sens de la fibre. En utilisant plusieurs bois représentant chacun une partie du dessin et en superposant les tirages sur une même feuille on peut réaliser une impression en couleur. La gravure sur bois se reconnait par ses formes acérées, à cause de la dureté du bois, et parfois par son rendu des aplats peu homogènes, à cause de la surface du bois qui n’est pas parfaitement plane.


Hans Arp, Soleil recerclé, Bois gravé de 1966

Une gravure sur bois de Hans Arp, Soleil Recerclé, sur papier d'Auvergne, tiré par l'atelier Féquet & Baudier. 

On observe les formes douces et les angles parfois acérés. Les rondeurs et les aplats uniformes ont demandé un travail de gravure conséquent.


2 -  Linogravure

Cette forme de gravure est similaire de la gravure sur bois quant à la technique ; seul le support diffère. La plaque de lino est plus tendre à travailler et beaucoup moins onéreuse. Beaucoup d’artistes amateurs s’essayent à la gravure sur lino, car elle peut être réalisée facilement à la maison. Mais cette technique a aussi fait florès auprès des artistes du XXème siècle, et notamment Picasso qui lui a donné ses lettres de noblesse. L’artiste andalou avait mis en place un procédé pour graver plusieurs couleurs sur une même plaque. Il rabotait une fine couche de lino pour encrer une nouvelle couleur. Il n’y avait donc pas de retour en arrière possible !


Pablo Picasso, Buste de femme au chapeau, Linogravure de 1962

Ce buste de femme en linogravure de Pablo Picasso montre l’étendue technique du support et la créativité de l’artiste.


La taille-douce (gravure sur métal)

Différentes techniques peuvent être utilisées pour une même estampe. Un tirage polychrome, s’obtient soit avec une planche unique en encrant chaque partie de différentes couleurs, soit en superposant plusieurs planches, chacune pour une couleur particulière.

1 - La Pointe-sèche

La “pointe-sèche” est une technique de gravure permettant de réaliser une matrice en métal à l’aide d’une pointe. Avec le burin, elle forme la famille des tailles directes (l’artiste grave la plaque avec un outil) par opposition à la taille indirecte où la plaque est mordue par un ’acide. Tailles directes et indirectes font partie de la famille de la taille-douce, plus communément appelée “gravure sur métal”.


Pablo Picasso, Orage, Enlèvement, Poursuite, Eau-forte de 1968

Cette gravure de Pablo Picasso fait contraster la douceur de l’eau-forte pour les personnages, et le trait acéré de la pointe-sèche pour le fond.


L’emploi de la pointe-sèche remonte au XVe siècle. C'est avant tout l'outil, une simple pointe d'acier, avec laquelle on grave la plaque de métal qui servira à imprimer les épreuves qui, par extension, portent le même nom. La technique de la pointe sèche se différencie des autres techniques de taille-douce par sa particularité de laisser des barbes de chaque côté du sillon; ces barbes font de la pointe sèche un procédé hybride entre le creux et le relief, car l'encre meuble à la fois les tailles et les barbes.

2 - Le Burin

C’est la plus ancienne technique de gravure en taille douce. Elle a pour origine les estampages que les orfèvres tiraient de leurs travaux d’ornement sur métal afin en garder un témoignage. Apparue au milieu du XVe siècle simultanément en Italie et en Allemagne, cette technique se répand dans les autres pays à partir du XVIe Siècle. Le graveur creuse une plaque de cuivre, à l’aide d’ un outil en acier, appelé burin. Le dessin est ainsi formé par des sillons plus ou moins profonds en forme de V. La planche est ensuite encrée et essuyée. Sous une forte pression, le papier humide se moule dans les creux et y retient l’encre donnant un léger relief au toucher. La pression exercée par la presse en taille douce, laisse la trace du « coup de planche » communément nommée « cuvette ».

3 - L'Eau-forte

Le procédé est utilisé depuis le XVe siècle. Procédé de gravure en creux sur métal, généralement du cuivre, mais aussi du zinc ou de l'aluminium. La planche est recouverte sur ses deux faces de vernis protecteurs ; l'artiste, au moyen d'une pointe ou d'un crayon bien taillé, dessine sur le vernis mettant le cuivre à nu à l'endroit de son trait. Une fois le dessin terminé, l'artiste plonge la planche de métal dans un bain d'acide nitrique ou de perchlorure de fer pour la morsure. La morsure sera plus ou moins profonde selon la dilution de l'acide et le temps de trempage de la planche. L'acide n'attaque que les endroits ou le cuivre n'est pas protégé. Il peut faire plusieurs attaques successives pour obtenir des nuances, il peut aussi sortir la planche du bain, recouvrir des traits suffisamment mordus et en dessiner de nouveaux. Les gravures à l'eau-forte au trait sont souvent assorties de parties en aquatinte.

La plaque de métal ainsi préparée est ensuite encrée et imprimée sur la feuille. Pour l’artiste, cette technique de gravure a l’intérêt d’être plus pratique qu’une gravure en taille directe, avec un burin par exemple. La pointe qui trace le dessin glisse aisément sur le vernis. L’eau-forte permet des noirs profonds, et des effets de texture et de transparence appréciés des artistes.


https://www.lecoindesarts.com/fr/artiste_braque-georges_8

Une eau-forte harmonieuse de Georges Braque, représentant son fameux motif de l’oiseau.


4 – L'Aquatinte

Inventée au milieu du XVIIIe siècle par le français Jean-Baptiste Leprince, l’aquatinte rend un effet imitant le lavis. Le graveur fait tomber sur une plaque de cuivre des grains de résine plus ou moins gros. La plaque est chauffée jusqu'à ce que les grains durcissent et résistent ainsi à la morsure. On creuse alors le cuivre à l'acide autour des grains. Cela permet d'obtenir des nuances en jouant sur la morsure et la finesse de la résine. On reconnaît cette technique en creux à l'aspect finement grenu que laisse la résine. L’aquatinte produit un rendu velouté et des aplats de couleurs à la texture complexe. Parmi les artistes ayant magnifié cette technique, on peut citer Pierre Soulages, et Serge Poliakoff. Certains artistes comme Bertrand Dorny utilisent la plaque de cuivre de l’aquatinte pour embosser le papier légèrement humidifié.


Pierre Soulages, XXXVII, Eau-forte de 1980

Une aquatinte de Pierre Soulages au caractère bien trempé. Le cuivre largement mordu par l’acide imprime une texture et des reliefs au papier.

5 - La Manière noire

Cette technique fut découverte en 1642 par l’Allemand Ludwig Von Siegen. La manière noire est une technique de gravure hybride entre les creux et le relief. On hérisse la surface de cuivre d'une multitude de petites barbes au moyen d'un outil demi-circulaire garni de petites dents, le berceau, de telle sorte qu'au tirage de la planche avant l'exécution du dessin on obtienne un noir velouté parfait. Le dessin, proprement dit, se fait au moyen d'un brunissoir. Le graveur écrasera le grain des barbes pour obtenir des gris et le supprimera totalement pour obtenir des blancs. La gravure à la manière noire demande beaucoup de soins et le tirage en est délicat.

6 - La Chalcographie

Cette technique est synonyme de gravure sur métal en taille-douce. Elle renvoie également à la Chalcographie du Louvre, qui détient une collection significative de gravures datant du XVIIIème siècle. Aujourd'hui, la Chalcographie du Louvre continue sa mission de préservation des gravures sur papier et des techniques de gravure. Elle le fait en publiant des estampes contemporaines et en rééditant des œuvres anciennes.

7 - L'héliogravure (ou photogravure)

Cette technique désigne un procédé de tirage de haute qualité permettant de produire un grand nombre d'exemplaires, initialement utilisé pour l'impression de livres d'art et de cartes postales. L'héliogravure à grain, quant à elle, est considérée comme un précurseur de l'impression photographique. Elle doit son invention à Nicéphore Niépce, et son nom est inspiré du soleil (le dieu grec 'Hélios'), en référence à la longue exposition nécessaire au procédé. Bien que le procédé ait connu plusieurs évolutions, il repose fondamentalement sur la gravure d'un cylindre en cuivre, qui est ensuite encré et pressé contre une feuille de papier. L'héliogravure se distingue par la haute qualité de ses couleurs, la profondeur et les subtilités des noirs qu'elle permet, ainsi que par sa capacité à produire de nombreux tirages avec un seul rouleau de cuivre. Elle a également joué un rôle clé dans l'impression des premiers daguerréotypes, les ancêtres de la photographie moderne.


La lithographie

La lithographie est un procédé d’impression très populaire, qui a été employé par les artistes de l’Ecole de Paris, et en particulier Miro, Chagall et Picasso en collaboration avec le légendaire atelier de lithographie Fernand Mourlot. Le peintre dessine le motif sur la pierre (ou une plaque de zinc), qui est ensuite encrée et pressée sur la feuille. L’artiste peut dessiner avec des outils et techniques dont il a l’habitude, comme le pinceau, le crayon ou le lavis. Il peut aussi gratter la pierre pour ajouter des effets supplémentaires. Chaque couleur nécessite une pierre différente, et le motif est reporté à l’envers sur le papier, ce qui demande de l’entraînement, et l’accompagnement par un artisan lithographe. Certaines lithographies ne sont pas exécutées par les artistes eux-mêmes, comme les affiches d’exposition qui reproduisent des huiles sur toiles. L’artisan lithographe est donc un chromiste hors-pair, capable d’interpréter une œuvre sur la pierre lithographique.


Francis Bacon, Tryptich, Lithographie de 1989

Cette imposante lithographie de Bacon reproduit le volet d’un triptyque qui appartient à une collection privée. Le dessin sur la pierre permet une grande variété d'effets, allant des aplats purs à des zones très détaillées.


La lithographie (litho pour "pierre" est une technique inventée en Bavière vers 1798 par Aloys Senefelder, le procédé se répand avec succès au XIXe siècle. Fondé sur l'antagonisme de l'eau et des corps gras, ce procédé à plat consiste à créer des surfaces qui retiendront l'encre grasse, et d'autres qui la chasseront.
Cette technique est à l'origine de l'offset, elle est basée sur l'antagonisme de l'eau et des corps gras. Sur une pierre en calcaire poreux à grain fin et régulier on dessine à l'encre grasse. Ensuite, on acidule le reste de la pierre pour la rendre amoureuse de l'eau; quand l'imprimeur passera un coup de rouleau encreur sur la pierre préalablement mouillée, l'encre se déposera sur les parties grasses dessinées sur la pierre, alors que les parties devant apparaître en blanc rejetteront l'encre. Pour que l'antagonisme persiste la pierre doit être mouillée en permanence. Pour Imprimer on applique une feuille de papier sur la pierre qui passe alors dans la presse lithographique et subit une friction qui transmet l'encre de la pierre à la feuille. La technique lithographique a l'avantage de laisser une grande liberté de geste et d'expression à l'artiste spécialement pour les œuvres « à la manière de crayon ». L'eau et l'encre ont un peu tendance à s'émulsionner ; c'est pourquoi un artiste qui veut obtenir des couleurs soutenues préfère souvent la sérigraphie dont l'encre couvrante permet de meilleurs aplats.

1 - La Zincographie

Cette technique, similaire à la lithographie, utilise une plaque de zinc au lieu d'une pierre. L'artiste dessine directement sur la plaque à l'aide d'outils de peintre. Une fois le dessin terminé, la plaque de zinc est pressée sur une feuille de papier, reproduisant l'image en miroir. La zincographie présente l'avantage d'être plus maniable que la lourde pierre lithographique. Elle permet également de créer des lithographies de plus grande taille, ce qui serait difficile à réaliser sur pierre. Cette technique a été inventée en 1813 par Alois Senefelder, qui est également à l'origine de la lithographie. Le procédé a connu une grande popularité jusqu'à son déclin progressif dans les années 1920. Parmi les peintres de la seconde École de Paris, Hans Hartung est particulièrement réputé pour son utilisation de la zincographie.

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Zincographie de Hans Hartung, L 1971-6, sur vélin de Rives, tiré par l’atelier Arte - Adrien Maeght.

2 - L'Autographie

Cette technique, une variante de la lithographie, a été conçue pour simplifier le processus de création pour les artistes. L'artiste commence par dessiner sur un papier spécial. Ce dessin est ensuite transféré sur une pierre lithographique. Ce processus offre deux avantages principaux. Premièrement, le papier est plus maniable que la lourde pierre lithographique. Deuxièmement, l'artiste peut dessiner le motif directement à l'endroit. Ce dessin est par la suite reporté en miroir sur la pierre, puis à nouveau en miroir lors de l'impression sur le papier final. Cela représente un avantage significatif par rapport à la méthode traditionnelle de lithographie, où l'artiste doit dessiner le motif en miroir sur la pierre, afin qu'il soit correctement orienté sur le papier imprimé.

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Autographie de Hans Hartung, L 30, sur vélin de BFK Rives, tiré par l’atelier Jean Pons.

3 - L'Offset

Cette technique est une évolution moderne de la lithographie, largement employée pour l'impression de masse de magazines, publicités, et catalogues, tout en étant utilisée dans le domaine de l'impression artistique. Dans la pratique, un motif numérique est transféré sur une plaque d'aluminium ou de plastique fixée sur un cylindre d'impression. 

Le procédé offset, qui est photo-mécanique, offre cependant une qualité inférieure à celle de la lithographie traditionnelle ; la trame de l'impression devient visible lorsqu'on l'examine à la loupe. L'offset est donc privilégié pour les grands tirages limités (comme certains travaux de Bram van Velde), ou par des artistes contemporains qui choisissent d'adopter cette technique d'impression de masse. Depuis les années 1980, le terme 'estampe numérique' est également utilisé pour décrire les œuvres dont la matrice est créée par ordinateur.


La sérigraphie

La technique de la sérigraphie est largement utilisée par les illustrateurs et les auteurs de bandes dessinées pour réaliser des éditions. Ils apprécient ses couleurs éclatantes et ses aplats denses. Plus loin de nous, parmi les artistes de l’Ecole de Paris, Sonia Delaunay a réalisé de nombreuses sérigraphies avec l’éditeur Galerie Denise René. La sérigraphie lui permet de reproduire fidèlement ses aplats de couleurs entrelacés, ses fameux Rythmes colorés.


Sonia Delaunay, Rythme couleur, Sérigraphie de 1974

Une sérigraphie signée de Victor Vasarely, Phobos.


La sérigraphie est un procédé d'impression au moyen d'un écran de soie : c'est une technique d'impression moderne découlant de la méthode du pochoir. L'artiste trace son dessin sur l'écran tendu sur un châssis au moyen de latex liquide. Ce latex est amovible et pourra plus tard être pelé laissant la trame de soie libre. Puis on applique un vernis obturateur sur toute la surface de l'écran, ce vernis a pour but d'empêcher l'encre de passer à travers l'écran dans les parties que l'on veut garder blanches. Dès que le vernis est sec l'artiste pelle la pellicule de latex et libère alors la trame qui laissera passer l'encre pour qu'elle se dépose sur le papier. L'encre est déposée dans le châssis et forme une petite vague que l'artiste déplace d'un bord à l'autre de l'écran au moyen d'une raclette en caoutchouc. L'artiste répétera cette opération autant de fois qu'il y a de couleurs. Les encres utilisées pour l'impression sérigraphique sont opaques et couvrantes, ce qui permet de superposer les couleurs.


Voici un tableau récapitulatif des principales techniques de l'estampe :

Tableau récapitulatif des techniques de l'estampe


Les techniques rares

1 - La Gravure au Carborundum

La technique consiste à fabriquer une matrice à partir de plexi ou de carton sur lequel on appose des matériaux tels que de la colle avec du sable plus ou moins fin (le fameux carborundum), du mastic… en dessinant pour obtenir des matières. Ce support est ensuite encré, puis passé sous presse pour réaliser différents effets d’impressions et de gaufrages.


Antoni Clavé, Sans titre, Aquatinte er carborundum de 1989

Aquatinte et carborundum du graveur Antoni Clavé, tirée par l'atelier Poligrafa.

L’artiste utilise le sable pour tracer des motifs sur la matrice et imprimer en relief sur le papier, le carborundum offrant un grain bien particulier.


2 - L'Aquagravure

L'aquagravure se caractérise par la création simultanée du papier et de la gravure. L’artiste grave et sculpte son motif en bas relief dans une plaque de cire, ou autre, bois, métal, linoleum. Le résultat est une estampe embossée, avec de forts reliefs, puisque les fibres de coton humides ont été moulées par la forme de la matrice.


Guillaume Corneille, Deux oiseaux au soleil, Aquagravure de 2001

Aquagravure de l’artiste cobra Guillaume Corneille. On observe le relief du papier qui épouse les formes géométriques.


3 - Le Pochoir

Le pochoir est à l'origine de la sérigraphie. C'est une découpe dans du métal mince ou du carton qui permet d'appliquer la gouache avec une brosse sans déborder de la forme de la découpe. Le pochoir n’est pas une technique de l’estampe en tant que telle, puisque la feuille n’est pas imprimée par une presse. Mais le pochoir permet de réaliser des œuvres en série, parfois de la main de l’artiste, parfois réalisé par un artisan et supervisé par l’artiste. La gouache est appliquée directement sur la feuille, à l’aide du pochoir, ce qui donne une texture proche de la peinture, de beaux aplats et des couleurs éclatantes. Cette technique est à l'origine de la sérigraphie. La différence entre le pochoir et la sérigraphie est l’aspect mécanique de cette dernière (bien que la machine soit parfois actionnée à la main), contrairement au pochoir, qui est réalisé à la main.

Sonia Delaunay, Sans titre, Pochoir de 1956

Pochoir de Sonia Delaunay, Poésie des mots, Poésie des couleurs.

4 - Le Monotype

Le procéde de monotype est un travail de peintre qui permet de peindre directement sur n’importe quel type de plaque avec un pinceau et des encres d’imprimerie. On imprime soit à la presse soit à la main un seul exemplaire. Il s’agit donc d’une œuvre unique, parfois numérotée 1/1. Le résultat est en général plutôt diaphane, avec des couleurs peu prononcées, et un rendu proche de l’aquarelle.


Gérard Panet, Allée bordée d'arbre, Monotype

Une impression en monotype de Gérard Panet. On observe les qualités picturales et la texture propre à ce médium.


5 – Le Vernis mou

Technique de taille-douce par laquelle le cuivre est recouvert d'un vernis souple sur lequel est déposé un papier granité. On dessine au crayon sur ce papier auquel adhère le vernis à l'endroit du trait. On procède alors à la morsure à l'eau-forte sur le cuivre mis à nu par le dessin.

6 - La Gravure au sucre

Procédé de gravure par soulèvement du vernis : un mélange de sucre et d'encre de chine ou gouache est appliqué directement sur la plaque de métal, celle-ci est ensuite recouverte d'un vernis avant d'être trempée dans l'eau : le sucre fond et décolle le vernis. La plaque est ensuite trempée dans l'acide pour faire attaquer les parties dénudées.


II - Le papier

« Il n’y a pas de beau papier dans l’absolu, il y a un seul papier qui convient à une œuvre. Et tout l’art de l’imprimeur est de le trouver. » Gerhard Steidl, éditeur et imprimeur.


Parmi les papiers modernes - principalement à fabrication mécanique - il existe un ensemble de papiers de qualités différentes. Chaque papier est plus ou moins adapté aux diverses techniques de l'estampe. Ainsi, la lithographie sera souvent imprimée sur un Vélin d'Arches, un BKF Rives ou un Japon Nacré ; un Richard de Bas (papier fait main) ou un Vélin de Lana magnifiera une gravure sur bois ou une eau-forte. Certains papiers présentent un filigrane (marque de fabrique) en transparence; le filigrane permet d'identifier le papier et parfois de le dater. Il se peut que le tirage d'une estampe soit fait sur différents types de papier (par exemple, Vélin d'Arches et Japon nacré).

Si vous avez déjà visité un moulin à papier, vous savez comment le papier est réalisé à la main ou en machine. En bref, on utilise des fibres de coton pour former une pâte à papier, qui est ensuite façonnée en feuilles à l’aide d’un moule et séchée. Voilà notre feuille de papier, prête à être imprimée !


A - Les types de papiers pour l’estampe


1 - Le Papier vélin

Examinons les principaux types de papier utilisés dans l'imagerie. Le plus répandu est le papier vélin, reconnu pour sa solidité et sa capacité à bien imprimer la matrice. Ce papier se caractérise par une texture fine et veloutée, qui met en valeur l'image imprimée. Il se décline en différentes épaisseurs, ou “grammages”. Parmi eux, on trouve des papiers très fins, connus sous le nom de “papier parchemin”, fréquemment utilisés dans les travaux de restauration.

Parmi les fabricants les plus renommés pour l’estampe figurent Arches, BFK Rives, Johannot, et Moulin du Gué. Il est important de noter que tous ces noms sont associés à la société Arches depuis les années 1950, consolidant ainsi leur réputation dans le domaine de la fabrication de papier de qualité pour l'impression d'art.


Seiko Tachibana, TOT#25, Gravure de 1999

Un papier vélin velouté portant une gravure de Seiko Tachibana


1.1 - Le Vélin d’Arches

Le Moulin d'Arches a été fondé à la fin du XVème siècle, époque à laquelle Christophe Colomb découvrait l'Amérique. Depuis ses débuts, la société Arches s'est engagée à produire des feuilles de papier de haute qualité. Alors que, dès les années 1820, d'autres fabricants commençaient à intégrer de la colophane dans leur papier pour des raisons économiques, Arches a maintenu les méthodes traditionnelles, garantissant ainsi une durabilité de plus de cent ans pour ses papiers. Selon Arches, au XIXème siècle, jusqu'à 90% des éditions limitées d'œuvres d'art étaient imprimées sur du papier Arches. 

Composé entièrement de coton, ce papier présente une texture unique et peut résister à de multiples passages sous presse, ce qui est essentiel pour les gravures en couleur nécessitant parfois plus de dix impressions. La technique de moulage à la forme ronde donne au papier des bords frangés, c'est-à-dire non lisses. De plus, le papier Arches contient une réserve alcaline, le protégeant contre l'acidité présente dans le bois des meubles de rangement ou des cadres. Néanmoins, il est conseillé de conserver les feuilles dans des conditions appropriées, à l'écart de tout contact direct avec des matières acides comme le bois ou le carton.

Au XXème siècle, de nombreux artistes de l'École de Paris, tels que Miro, Picasso ou Chagall, ont privilégié le papier d'Arches pour leurs tirages, en raison de sa qualité et de sa longévité. Le nom et le filigrane d'Arches sont des marques de distinction que vous retrouverez fréquemment sur les estampes de ces artistes, garantissant la pérennité de l'œuvre dans le temps.


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Une exceptionnelle lithographie de Joan Miro de grand format. Le papier Arches, épais et velouté, fait ressortir les couleurs et les textures de cette œuvre.


1.2 - Le Vélin BFK Rives

La société BFK Rives, nommée d'après les initiales de ses fondateurs, est une papeterie située à Rives, en Isère. Elle a été en activité de 1920 jusqu'au milieu du XXème siècle, avant d'être finalement acquise par son concurrent, la société Arches. BFK Rives se spécialisait dans la production de papiers similaires au Vélin d’Arches, avec un accent particulier sur un grain lisse, conçu pour se faire discret et mettre en valeur l'œuvre imprimée. Ce papier, reconnu pour ses qualités exceptionnelles en matière de gravure en taille-douce, est idéal pour les œuvres regorgeant de détails.

Tout comme Arches, BFK Rives a connu un essor significatif grâce aux commandes publiques, notamment pour la production de billets de banque et de documents administratifs. Le dernier moulin de BFK Rives à Rives a fermé ses portes en 2011. Cependant, le papier BFK Rives continue d'être fabriqué par la société Arches.

À l'instar du papier Arches, le BFK Rives est doté d'une réserve alcaline et de bords frangés. Ces caractéristiques en font un choix privilégié pour les estampes et les impressions d'art.


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Une gravure à l’eau-forte de Max Ernst. Le papier BFK Rives, avec son grain très fin, est idéal pour faire ressortir les textures de l’eau-forte et la précision du dessin au trait.


2 - Le Papier vergé

Il existe aussi le papier vergé, qui se reconnaît par les trames apparentes, laissées par le moule de fabrication.


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Comparaison entre le papier vélin velouté et le papier vergé tramé


3 - Le Papier Japon

Il existe également des papiers spéciaux tels que le carton fort, les papiers colorés, le kraft ou encore le papier japonais, qui peuvent apporter une touche unique à une œuvre. Au Japon, la fabrication artisanale du papier, une tradition séculaire, tend à se raréfier. Les artisans encore actifs dans ce domaine sont parfois reconnus comme des 'trésors nationaux vivants'. La spécificité du papier japonais, connu sous le nom de Washi, réside dans sa composition à base de fibres de mûrier japonais (Kôzô). Ces longues fibres, entrecroisées dans toutes les directions, confèrent au papier une résistance remarquable. Le papier japonais peut également être d'une finesse extrême, offrant ainsi une vaste gamme de textures tout en conservant une solidité exceptionnelle. Ce type de papier a joué un rôle crucial dans la diffusion des célèbres 'estampes japonaises', telles que les gravures sur bois d'Hokusai et d'Hiroshige, qui ont inspiré le mouvement du japonisme. Cette découverte a également séduit les artistes de l'École de Paris, comme Braque ou Picasso, qui ont été attirés par la qualité, la durabilité et la texture sensuelle du 'papier japon'.


George Braque, Personnage sur fond rose, Lithographie de 1960

Une estampe de Georges Braque sur papier Japon nacré, aussi appelé Washi. On observe les nervures du papier, dues aux fibres du mûrier japonais (le Kôzô)


Bref historique du papier

L'histoire du papier trouve ses racines en Chine, où il a été inventé vers 500 av. J.-C. Initialement fabriqué à partir de fibres de chanvre et d'écorces d'arbres, le papier a représenté une révolution dans la conservation et la diffusion du savoir. Sa production et son utilisation se sont rapidement propagées à travers l'Asie, notamment grâce aux échanges commerciaux et culturels facilités par la Route de la Soie.

Les Arabes, ayant acquis la technique de fabrication du papier suite à leurs conquêtes en Asie Centrale, ont introduit des innovations significatives. Parmi celles-ci, l'utilisation du moule à forme en fil de fer, qui a permis de produire du papier de manière plus efficace et uniforme. Ces améliorations ont joué un rôle clé dans la diffusion du papier en Occident.

L'Europe a vu l'établissement de sa première manufacture de papier à Cordoue pendant le Moyen Âge, une période où le papier était encore un produit de luxe. La ville de Cordoue, sous influence arabe à cette époque, est devenue un centre important pour la production de papier en Europe.

Afin de réduire leur dépendance à l'importation de papier d'Espagne, les Allemands et les Français ont commencé à établir leurs propres moulins à papier au cours des siècles suivants. Parmi ces moulins, le Moulin d'Arches en France, fondé en 1492, est devenu célèbre pour sa production de papier de haute qualité.

Avec l'avènement de l'imprimerie par Johannes Gutenberg au milieu du XVe siècle, la demande de papier a augmenté de manière exponentielle. Cela a conduit au développement de nouvelles techniques de fabrication du papier aux XVIIIe et XIXe siècles, notamment l'invention de la machine à papier par le Français Louis Robert et son perfectionnement par les Britanniques Henry et Sealy Fourdrinier. Ces machines ont révolutionné la production de papier, la rendant plus rapide, plus efficace et plus économique.

Finalement, ces innovations ont fait le chemin inverse vers l'Asie, où la machine à papier a été introduite, marquant un retour aux origines de cette invention. Ainsi, le développement du papier, de ses origines modestes en Chine antique à son rôle central dans la communication et la culture moderne, illustre un fascinant cycle historique et technologique.

Les dimensions du papier

La feuille A4 est bien connue de tous, mais dans le domaine des papiers à estampe, une multitude d'autres dimensions standard existent. Outre les formats de la série A (comme A3) répandus internationalement, il y a également les formats traditionnels français tels que Raisin, Jésus, et d'autres. De plus, l'estampe japonaise utilise des formats spécifiques qui diffèrent de ces standards occidentaux. En outre, il existe de nombreux formats personnalisés qui ne correspondent à aucun standard établi. Voici un tableau de correspondance entre les formats de la série A et les formats traditionnels français :

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Demi-raisin 32,5 × 50

Raisin 50 × 65

Jésus 56 × 76

Colombier 60 × 80

Petit Aigle 70 × 94

Grand Aigle 75 × 105

Grand Monde 90 x 126

Univers 100 × 130





Le grammage du papier

Le grammage ne fait pas référence à l’épaisseur du papier, mais plutôt à sa masse surfacique, c'est-à-dire le rapport entre la masse du papier et sa superficie. Il est exprimé en grammes par mètre carré (g/m²). Plus le grammage est élevé, plus le papier est généralement épais et lourd. Voici quelques exemples de grammages courants :

Papiers…

  • À cigarette : entre 15 g/m²

  • Journal : 40 g/m²

  • D’imprimante : 80g/m²

  • Vélin d’Arches : de 120 à 400 g/m²

  • Couverture de livre souple : 250 g/m²

  • Pour aquarelle : 500 g/m²

Les filigranes du papier

Le filigrane d'un papier est une marque distincte insérée dans la structure même du papier. Il peut s'agir du logo du fabricant, du nom de la gamme, ou d'autres motifs spécifiques. Ce filigrane devient visible par transparence lorsque la feuille est exposée à la lumière. Il est créé en fixant un motif en fil de laiton sur la forme ou la toile utilisée pour former la feuille de papier. Lors de la fabrication, moins de pâte à papier se dépose à l'endroit du motif, ce qui permet de rendre le filigrane visible. L'objectif principal du filigrane est d'authentifier l'origine et la qualité du papier, et dans certains cas, de prévenir la contrefaçon.

Voyons ensemble les moulins d’exception, principaux producteurs du papier vélin utilisé pour l’impression d’estampes.

Le Moulin d’Arches

Image titleLe moulin d'Arches, célèbre pour son papier vélin de grande qualité, a joué un rôle majeur dans l'histoire de l'estampe depuis sa création en 1492, fournissant le papier pour des œuvres emblématiques telles que les chroniques de Nuremberg illustrées par Dürer. Sous la direction de Beaumarchais, le moulin a même imprimé l'intégralité des œuvres de Voltaire. Au XXe siècle, il est un choix de prédilection pour les travaux de lithographie de Miro ou Picasso à l’atelier Mourlot.

Image titleLe moulin d'Arches, célèbre pour son papier vélin de grande qualité, a joué un rôle majeur dans l'histoire de l'estampe depuis sa création en 1492, fournissant le papier pour des œuvres emblématiques telles que les chroniques de Nuremberg illustrées par Dürer. Sous la direction de Beaumarchais, le moulin a même imprimé l'intégralité des œuvres de Voltaire. Au XXe siècle, il est un choix de prédilection pour les travaux de lithographie de Miro ou Picasso à l’atelier Mourlot.

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Les papiers Moulin du Gué, Johannot et BFK Rives ne sont plus des moulins producteurs de papier, mais ont à présent été intégrés au Moulin d’Arches en tant que gammes de papier.



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La gamme de papier Moulin du Gué est spécialement réalisée pour les gravures en taille-douce. Les trois petites fleurs présentes dans le filigrane symbolisent les 15% de lin employés pour la fabrication du papier.




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Depuis plus de quatre siècles, le Moulin de Lana, situé près d'Arches, maintient sa réputation de producteur de papier de haute qualité. Principalement reconnu pour son papier fin d'emballage, le moulin fabrique également des papiers moulés plébiscités pour l’impression d’estampes. De plus, elle propose des filigranes personnalisés, ajoutant une touche unique à ses produits.






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Parmi les producteurs de papier internationaux, le Moulin Hahnemühle est particulièrement prisé des artistes travaillant sur papier. Le moulin très ancien, fondé en 1584, avait pour fonction première de fournir du papier à l’administration du Duché de Brünswick en Allemagne. Le fondateur du Moulin, Carl Hahne, a donné son nom au papier et à son logo qui représente un coq (Hahn en allemand).

On peut aussi citer le Moulin Whatman au Royaume-Uni, l’inventeur du papier vélin, le premier papier lisse qui ne présente pas les marques des fils horizontaux du moule à papier (les vergeures du papier vergé).



Le fameux Moulin Richard de Bas, producteur du papier d’Auvergne, ou papier à la main. L’Auvergne comptait, au XVème siècle, une cinquantaine de moulin et sa situation centrale favorisait le commerce du papier.

Particulièrement qualitatif, ce papier a servi à imprimer les gravures de l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert.

Ci contre, le fil de fer qui laisse une marque de filigrane sur le papier.



B - Qu'est-ce qu'une estampe originale ?

On s’interroge souvent sur ce qui fait le caractère “original” d’une estampe. Est-ce qu’une estampe est une reproduction d’une œuvre originale, ou est-elle originale elle-même ? Cette notion revêt des nuances, mais pour faire court, on parle “d’estampe originale” pour désigner les estampes qui sont réalisées, supervisées et signées par l’artiste, ou simplement supervisées et signées.

Pour structurer les pratiques commerciales, la Chambre Syndicale de l’Estampe, du Dessin et du Tableau (CSEDT), qui défend les intérêts des marchands d’estampe et de leurs clients, a produit une charte de l’estampe originale. En voici un extrait :

“L’estampe originale est une expression plastique volontairement choisie par l’artiste, pouvant exister en plusieurs exemplaires, selon la volonté de l’artiste. Les estampes qui n’ont pas été réalisées par l’auteur de la signature ou sous sa supervision constante, doivent être signalées clairement comme « estampes d’interprétation. L’estampe originale contemporaine est généralement signée et numérotée, à la différence de l’estampe ancienne.”
Charte de l’estampe originale, CSEDT, 1996.

Pour mieux comprendre ce qui fait une estampe originale et authentique, voyons ensemble trois types d’estampes : d’abord l’estampe originale, puis l’estampe d’interprétation et enfin la reproduction photo-mécanique.

L'estampe originale

Contrairement à l'estampe d'interprétation (réalisée par un tiers, graveur ou lithographe), pour l'estampe originale l'artiste conçoit et réalise ici lui-même sa création sur la matrice (pierre, cuivre, acier, zinc, bois ou soie). Il va de soi que l'estampe originale recouvre toutes les techniques d'expression graphiques possibles (lithographies, gravures, sérigraphies). Dans le cas d’une estampe originale, l’artiste réalise lui-même la matrice, et confie le tirage à l’imprimeur. C’est le cas des lithographies de Miro, dessinées sur la pierre par l’artiste, et tirées par les imprimeurs du fameux atelier Mourlot. Une fois l’édition tirée, l’artiste vérifie le tirage en apposant sa signature sur chaque exemplaire.

L'estampe d'interprétation

L'oeuvre originale d'un artiste (peinture, dessin, etc.) est interprétée et transposée sur la matrice (support) par un lithographe ou un graveur. Ce travail se fait le plus souvent sous la direction de l'artiste lui-même qui parfois appose sa signature sur le tirage. Le fait que l'artiste n'ait pas gravé lui-même à partir de son oeuvre sur la matrice (pierre, cuivre, etc) n'est pas nécessairement lié à la valeur de la dite estampe. On peut citer en exemple les très belles lithographies d’interprétation de Marc Chagall, par le lithographe Charles Sorlier de l’atelier Mourlot.

La reproduction photo-mécanique

Il s’agit de la reproduction d’une œuvre unique ou d’une estampe par un procédé photo-mécanique moderne et non par une technique d'impression traditionnelle. Les reproductions photo-mécaniques ne sont généralement pas considérées comme des estampes originales. Ce fac-similé, autorisé ou non, est appelé dans le langage courant “reproduction”, “poster”, “offset”, etc. Certaines de ces éditions sont tout de même valorisées par le marché. On trouve aussi de nombreuses malfaçons, plus ou moins légales. Il peut s’agir de reproductions photomécaniques produites pour le commerce (par exemple les éditions réalisées pour des boutiques de musées), ou encore, il peut s’agir de faux destinés à tromper. Il faut donc faire particulièrement attention à ne pas acquérir par mégarde une telle reproduction.

Il faut retenir de cette typologie que l’artiste est plus ou moins impliqué dans le processus de fabrication de l’estampe. Le minimum, pour une estampe originale, est que la réalisation soit supervisée par l’artiste, et qu’il approuve le tirage en apposant sa signature.

Pour résumer, laissons la parole au célèbre imprimeur de lithographie Fernand Mourlot :
« Une lithographie originale est une lithographie exécutée par l’artiste, c’est-à-dire qu’il dessine lui-même sur la pierre ou le zinc avec un crayon litho ou avec un pinceau et de l’eau. »

« Si l’artiste a assisté à la réalisation de sa litho, même s’il ne l’a pas faite entièrement lui-même, s’il l’a approuvée, s’il a fait ses corrections, donné son bon à tirer, suivi le tirage et signé la lithographie, c’est une lithographie originale ».
Fernand Mourlot, Gravés dans ma mémoire, Robert Laffont, 1979.

Comment se prémunir d’un faux ou d’une reproduction ?

Voici quelques conseils pour s’assurer d’acheter une estampe originale, qu’elle soit signée ou non. Il peut être intimidant de naviguer parmi les nombreuses planches offertes sur les plateformes en ligne, ou sur les sites de vente d’occasion, mais ces quelques conseils permettent de minimiser les problèmes.

  • Si vous le pouvez, achetez vos estampes chez un galeriste réputé. S’il a un espace physique, vous pourrez voir le tirage par vous-même. Les galeristes d’estampes reconnus sont membres de la Chambre syndicale de l’estampe (CSEDT).

  • Vérifiez que l’estampe que vous convoitez apparaît sur le catalogue raisonné de l’artiste, avec les bonnes dimensions et la bonne numérotation du tirage. Le catalogue raisonné d’un artiste est un ouvrage répertoriant les œuvres d’un artiste, établi par des spécialistes, qui permet de comprendre la rareté d’un tirage et d’identifier les faux.

  • Les catalogues raisonnés ne sont pas toujours accessibles facilement, mais vous pouvez demander à votre galeriste une photocopie du catalogue. Il en existe aussi de nombreux accessibles en ligne, comme ceux de Hans Hartung, Anna-Eva Bergman ou Sam Francis.

Les sites de seconde main comme Ebay ou Leboncoin, ainsi que certaines plateformes e-commerces proposent des œuvres originales, mais aussi des reproductions photo-mécaniques et même des faux. Il est risqué d’acquérir une estampe par ce moyen. Si une estampe est très peu chère par rapport au prix du marché, c’est sûrement “trop beau pour être vrai”.


Le Tirage

Dans le domaine qui nous intéresse, « tirage » est synonyme d’épreuve ou d’exemplaire. Un tirage complet d’une œuvre est une « édition ». L’origine de ce terme vient du fait que pour imprimer sur une presse à bras, il faut faire le mouvement de tirer à soi les bras de la presse. Un « tirage limité » signifie que l’impression de l’estampe est soigneusement contrôlée par l'artiste, et que chaque épreuve est numérotée. Une fois le tirage défini par l’éditeur atteint, la matrice est détruite, pour garantir le caractère limité de l’édition.

La justification du tirage, c'est l'énumération complète du tirage d'une œuvre ; le tirage numéroté proprement dit, le nombre d'épreuves d'artiste, d'épreuves hors commerce, les tirages supplémentaires sur différents papiers, etc... La justification est disponible auprès de l’éditeur, sur les certificats d’authenticité, dans le catalogue raisonné, et pour les livres d’artistes, dans le colophon.

Il est d'usage d'imprimer des épreuves d'artiste en plus du tirage normal de l'édition : elles sont destinées à l'artiste et à l'éditeur à titre d'archives. Leur nombre ne dépasse généralement pas 10 % du tirage total. Les épreuves d’artistes, ou “E. A.” peuvent être numérotées, elles le sont alors en chiffres romains. On utilise aussi le sigle “H.-C”, pour “hors-commerce”. Pour finir, certaines estampes connaissent plusieurs états, c’est-à-dire des versions successives qui peuvent être éditées, ou qui sont tirées uniquement pour vérifier la composition. L’exemple le plus fameux est le bœuf de Picasso tiré par l’atelier Mourlot, avec ses 11 états successifs !

Zoomons à présent sur le bas d’une estampe. On observe traditionnellement dans le coin inférieur gauche la numérotation de l’épreuve sur le tirage total 23/25 (excluant les tirages hors-commerce). Et sur le coin opposé, la signature manuscrite au crayon de l’artiste. Certains artistes apposent au milieu le titre de l’œuvre, ou la date.


Bas d'une estampe de Hans Hartung


Une question revient souvent : quelle est la valeur de la numérotation ? Dans notre exemple, est-ce que l’épreuve 23 a une valeur différente de l’épreuve 1 ou 25 ? Eh bien non ! Il faut savoir que les estampes sont habituellement numérotées par les imprimeurs, et elles ne sont pas nécessairement numérotée dans l’ordre d’impression. Cette idée reçue, tenace, vient de la gravure traditionnelle sur bois ou sur métal, où la matrice fragile s’abime au fur et à mesure du tirage. Dans ce cas, les premières épreuves sont plus qualitatives que les dernières.

On peut aussi se demander ce que représente un “gros” ou un “petit” tirage. En général, on considère qu’un tirage inférieur à 150 exemplaires peut être qualifié de limité. Au-delà, le tirage est moins rare, comme certaines éditions d’affiches à 2000 exemplaires. Il existe aussi des tirages plus confidentiels, comme celui de Hans Hartung ci-dessus, ou les éditions d’estampes de Picasso, souvent tirées à 50 exemplaires.


La Signature

Dans le domaine de l'estampe moderne, pratiquement toujours à la fin du tirage, l'artiste appose sa signature au crayon sur chacune des épreuves. Cette étape lui permet à la fois de contrôler le tirage et d'éliminer les épreuves qui ne le satisferaient pas entièrement. Les artistes n’aiment pas toujours signer, comme Francis Bacon qui rechignait à signer le tirage de ses estampes d’interprétation, mais c’est une étape obligatoire pour garantir l’aspect limité du tirage, et la qualité des épreuves individuelles. Dans le monde de l’estampe, on aime relayer l’anecdote suivante : des éditeurs peu scrupuleux faisaient signer des feuilles blanches, en particulier à l’artiste Salvador Dali, dans le but d’imprimer et de vendre des estampes de moindre qualité. Heureusement, cette pratique n’a plus court, et les éditeurs ainsi que les marchands sérieux signent une charte de l’estampe originale, qui empêche ce type de pratiques frauduleuses.

Par ailleurs, certaines estampes portent une signature imprimée, c'est-à-dire apposée par l'artiste dans la composition (par exemple dans la pierre pour une lithographie ou dans le cuivre pour une gravure), cette façon n'excluant pas nécessairement une signature originale. On dit aussi que la signature est “dans la planche”, ou qu’elle porte le “tampon de l’artiste”.

Il existe des tirages non signés d’estampes originales, qui utilisent la même matrice que pour le tirage signé. C’est par exemple le cas pour les illustrations en lithographie des revues d’art ou des livres illustrés, qui ont fait florès à l’époque de la première école de Paris. On peut citer les revues XXème siècle, Les Cahiers d’Art, fondé par Christian Zervos, l’auteur du catalogue raisonné de Picasso, ou encore Derrière le Miroirédité par Maeght.

Ces tirages ne portant pas la signature de l’artiste sont tout aussi originaux et qualitatifs que les tirages limités et signés. Ils sont une bonne façon d’acquérir de belles pièces à moindre coût. On comprend alors que la signature d’une estampe par l’artiste augmente largement la valeur de l’estampe : son prix, mais aussi son potentiel en tant qu’investissement.

Voyons à présent quelques signatures et tampons d’artistes :

Signature de Marc Chagall

Voici la signature habituelle de Chagall à la main, bien identifiable. Elle peut être différente selon les périodes de la vie de l’artiste.

Monogramme de Joan Miro

Voici le monogramme de Miro, parfois utilisé en remplacement de la signature.

Tampon de Salvador Dali

Voici le tampon d’artiste de Dali, pour le cas où l'artiste ne veut ou ne peut pas signer. Pour les tirages posthumes, le cachet de la succession de l’artiste est utilisé, qui reproduit la signature.

Signature de Picasso

Voici la signature iconique de Picasso, apposée “dans la planche”, c’est-à-dire que la signature est dessinée ou gravée par l’artiste sur la matrice. Il arrive que l’artiste contresigne le tirage à la main.

Historique de l’estampe

L’estampe trouve ses sources dans la tradition asiatique, où elle sert aux moines à reproduire des textes et des images grâce à la technique de la gravure sur bois. La première estampe connue, une gravure sur bois imprimée sur soie, nous vient de la dynastie Han et sa date de production est estimée entre -206 av. J.-C. et 220.

Au Japon la technique de la gravure sur bois arrive de Chine vers l’an 700, et on l’utilise pour reproduire de la littérature venant de l’étranger. La gravure se développe largement pendant la période Edo (1603–1868) dans le cadre du mouvement esthétique Ukiyo-e, c’est-à-dire l’estampe japonaise telle qu’on la connaît en France. Elle est utilisée pour représenter des fameuses vues du Japon, des batailles ou encore des scènes de genre.

En Europe, les premières estampes sont aussi des gravures sur bois. En Allemagne, au XVème siècle, les bois gravés sont utilisés pour imprimer des cartes à jouer.

Les artistes s’emparent bien vite de la technique, et l’estampe prend son essor au XVème siècle, ce qui constitue une avancée capitale pour l'art occidental, permettant la multiplication d'images. Nous sommes avant l'imprimerie de Gutenberg !

Les gravures sur métal, plus robustes que le bois pour le tirage et permettant des tracés plus fins, se généralisent dans les années 1430, toujours en Allemagne. La technique fera florès parmi les premiers grands maîtres de la gravure à la fin du XVe siècle, comme Albrecht Dürer. Et autour de 1450, le fameux Johannes Gutenberg invente la technique des caractères mobiles, et c’est une vraie révolution, permettant d’imprimer des ouvrages en masse. La Bible de Gutenberg est le premier livre imprimé avec cette technique.

Au XVIIè siècle, les artistes italiens expérimentent avec les technique de taille indirecte, qui utilisent un acide pour corroder la plaque de métal. Ils perfectionnent ainsi la technique de l’eau-forte déjà pratiquée par Albrecht Dürer dans les années 1510. La manière-noire, procédé permettant d’obtenir des niveaux de gris de manière naturelle, est inventée en 1642 par un graveur allemand amateur. Certains artistes comme Rembrandt exploitent avec profit la gravure sur métal.
Progressivement, la gravure française va connaître son âge d’or, et devient un art abordable et à la mode. La Révolution française utilisera la gravure comme véhicule pour diffuser largement ses idées.

Au XVIIIème siècle, l’Italie reste le berceau de l’estampe européenne, avec des maîtres de la gravure comme Tiepolo, Canaletto et Piranesi, qui repoussent les limites techniques de l’estampe. En Espagne, le premier grand graveur espagnol, Francisco de Goya, se tourne vers l’eau-forte, puis la lithographie à la fin de sa vie, pour produire une œuvre personnelle, qui inspirera l’art moderne, et en particulier l’expressionnisme.

A partir du XIXème siècle, l’apparition de la lithographie va donner un nouvel essor à l’estampe, qui perdure jusqu’à nos jours. Cette technique, inventée par le dramaturge allemand Aloys Senefelder, est plus facile à prendre en main que la gravure, et permet d’imprimer de plus nombreux exemplaires que la plaque de cuivre, qui s’estompe rapidement.

A la fin du XIXème siècle, c’est l’époque des peintres-graveurs qui excellent dans les deux disciplines, et vont repousser les limites de l’estampe. On peut citer les Nabis, Bonnard et Vuillard, mais aussi le peintre post-impressionniste Paul Gauguin, jusqu’aux peintres de l’Ecole de Paris comme Miro, Chagall ou encore Picasso, réputés pour leur travail d’estampe. C’est aussi le règne de la couleur, avec les estampes des fauvistes et des expressionnistes allemands. La maîtrise pluridisciplinaire de peintres-graveurs leur permettra d’enrichir leurs pratiques et de proposer une esthétique variée et une œuvre complète.

Pour terminer cet historique, mentionnons que la linogravure est apparue en 1900, alors que le matériau utilisé pour couvrir les sols avait été inventé à la fin du XIXème siècle. De son côté, la sérigraphie a une très longue histoire, puisqu’elle est inventée en Chine sous la dynastie Song (960-1279). A cette époque, on utilisait des pochoirs découpés dans de la soie (“séri” signifie “soie” en latin) pour imprimer des proto billets de banque. Fort de cette longue tradition, les émigrés chinois ont importé cette technique aux Etats-Unis au XIXème siècle, où la sérigraphie a connu un essor parmi les artistes du Pop Art comme Andy Warhol, Robert Rauschenberg et Roy Lichtenstein.

Voici un résumé sous forme de frise :


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Nous voici au bout de ce guide de l’estampe. Nous espérons que votre compréhension des différentes techniques de l’estampe et de la manière de les collectionner s’est affinée. Vous pouvez retrouver la plupart des estampes présentées sur notre galerie en ligne, où nous rendre visite dans nos galeries du Marais ou de Saint-Germain-des-Prés.

Luc Bertrand, pour la galerie Le Coin des Arts - Thaddée Poliakoff Fine Art

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